Considéré à juste titre comme le père jamaïcain du reggae français pour ses nombreuses collaborations avec des artistes francophones, Tyrone Downie est décédé le 6 novembre sur son île natale à 66 ans. Aux claviers, il avait débuté au sein des Wailers de Bob Marley alors qu’il n’avait pas treize ans, et en avait fait partie jusqu’à la mort du roi du reggae en 1981. D’Alpha Blondy à Youssou N’Dour en passant par Didier Awadi et Tiken Jah Fakoly, qui avait récemment fait à nouveau appel à lui, il partageait sa science du reggae pour en défendre d’abord les valeurs.
A 60 ans passés, le Jamaïcain qui fut résident français pendant plus de deux décennies n’a jamais perdu son goût de la transmission, au service du reggae qu’il voyait avant tout comme une musique militante sinon combative, rappelant sans cesse le côté révolutionnaire de l’œuvre de Bob Marley, à ses yeux loin de toute légèreté. Grâce à lui, il regardait le monde “avec de bonnes lunettes”, aimait-il souligner.
Lui qui a grandi en apprenant le français à Kingston, bien qu’issu d’une famille très modeste, avait enfin découvert, à la faveur des tournées du roi du reggae à la fin des années 1970, le pays de Molière dont il avait rêvé. Accablé par la disparition du patron des Wailers en 1981, pour lequel il avait commencé à jouer en 1969, le musicien d’un tempérament à la fois dur et à fleur de peau a laissé son nom sur un très grand nombre de disques des plus brillants représentants du reggae (Burning Spear, Black Uhuru, Lee Perry, Jimmy Cliff…) mais aussi participé à son ouverture, sollicité par Grace Jones, Ian Dury, Ben Harper… Retourné en Jamaïque depuis quelques années, il venait de s’illustrer avec Tiken Jah Fakoly qui lui avait renouvelé sa confiance pour l’album Braquage de pouvoir sorti ce 4 novembre. Avec le projet Jahzz, pensé comme un Buena Vista Social Club franco-jamaïcain qui consacrait d’une certaine façon son rôle dans son pays d’adoption, il aurait dû se produire le 8 novembre à Paris à l’occasion de la sortie de l’album Women. Il avait aussi en chantier un premier album à son nom, véritable serpent de mer qui aurait fait suite aux quelques 45 tours enregistrés sous son identité à Kingston dans les années 1970, mettant en avant son talent à l’orgue.