L’Afrique, où vivent 1,2 milliards de personnes, soit 15% de la population mondiale, n’est responsable que de 3 % des émissions de gaz à effet de serre liés à l’énergie et affiche les émissions par tête les plus faibles de toutes les grandes régions du globe, selon l’ONU. Ce qui n’empêche pas le « berceau de l’humanité » d’en subir très fortement les effets. D’Alger au Cap, les conséquences du réchauffement climatique « sont amplifiées par les systèmes climatiques extrêmes et complexes qui cohabitent et par leurs puissantes interactions avec les enjeux socio-économiques », résume Matthieu Mérino, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), dans une note pour le Forum de Dakar pour la sécurité et la paix, qui s’est tenu fin octobre.
Cette injustice engendre des déplacements massifs de populations, des difficultés d’accès à l’eau (dont les besoins tripleront d’ici dix ans), une extension de la désertification (37% des terres menacées) et de la déforestation, la baisse des rendements agricoles (qui pourraient encore chuter de 20% d’ici 2050) et, in fine, la déstabilisation des Etats, déjà fragilisés par les menaces géopolitiques majeures.
Le doublement annoncé de la population en 2050 met en demeure les dirigeants africains de trouver rapidement un équilibre entre préservation de l’environnement et développement économique. « Ce dont ils ont le plus besoin, ce n’est pas d’injonctions morales à accélérer la transition énergétique, mais d’investisseurs pour créer de la croissance durable. Qu’on le veuille ou non, l’entrée en production en 2023 des gisements de pétrole offshore découverts au large du Sénégal constituera un ballon d’oxygène pour le pays », souligne Etienne Giros, le président du CIAN, le Conseil français des investisseurs en Afrique. Ouverture au nucléaire. Pour tout le continent, la priorité est l’accès à l’électricité, dont 43% de la population est encore privée, estime l’Agence internationale de l’Énergie (AIE). Pour ses experts, les Etats doivent se réapproprier leurs ressources fossiles, aujourd’hui majoritairement exportées (gaz, pétrole), et accélérer la valorisation de leur potentiel en énergies renouvelables. Géothermie, hydroélectricité, éolien, solaire : ces sources peuvent fournir 80% des nouvelles capacités de production jusqu’en 2030. Malgré des coûts encore prohibitifs, l’Afrique va aussi s’ouvrir à l’énergie nucléaire civile. Onze pays ont officialisé leurs ambitions : l’Egypte, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Ghana, le Kenya, l’Ouganda, la Zambie, le Niger, le Nigéria et le Soudan. Le recours à l’atome permet de massifier et sécuriser les approvisionnements. L’arrivée à maturité des petits réacteurs de type SMR offre une solution prometteuse pour les zones enclavées. La diversification est la voie d’avenir du continent, comme l’illustrent les stratégies adoptées par les pays qui jouent la carte du développement durable